Rentrée scolaire
Et de trois !
Quel bonheur de reprendre le chemin de l’école en ce magnifique premier jour de septembre, main dans la main avec ma fille.
Je l’observe depuis son réveil, et tout le long du trajet qui nous mène à Étampes… aucune trace d’appréhension, même pas infime. Elle est pleine de joie et d’excitation, heureuse de retourner à l’école et de retrouver ses amis. Je ne suis pas étonnée, c’est tous les ans ainsi pour elle. Je suis simplement émerveillée de la voir aussi gaie et insouciante que tous les autres jours de l’année. Elle rentre en CE2.
Je crois, au fond, que c’est une des raisons qui m’ont poussée à vouloir participer à la création d’une alternative à l’école classique : préserver l’insouciance de l’enfance le plus longtemps possible. Je vois cela comme un trésor, source de créativité et de confiance pour toute la vie. Combien d’enfants reprennent ce matin le chemin de l’école avec un nœud dans le ventre ? L’appréhension que suscite la rentrée scolaire est considérée comme normale dans notre société, depuis toujours. Mais est-ce vraiment « normal » juste parce que c’est la norme ? est-ce nécessaire ? et de quoi exactement ont peur les enfants ? « D’avoir un maître sévère », « une maîtresse qui crie tout le temps », « de ne pas être dans la même classe que mes copines », « d’avoir honte parce que je ne sais pas quelque chose », « de me faire taper » …la liste est longue et en effet, il y a de quoi avoir mal au ventre, parfois pour tous les jours de l’année si on n’a pas de chance !
En ce jour de rentrée, et en tant que membre adulte de l’école, je me sens sereine et confiante. Les petits visages familiers qui arrivent petit à petit dans l’école me font des grands sourires (à défaut de câlins faute de Covid), je sens leur joie de retrouver l’école, les copains, et ils sont tout de suite à l’aise. Le repas est mis au réfrigérateur, les chaussures trouvent leur place sous les portes manteaux, et certains demandent même où sont les feuilles d’intentions ! (bon les gars, c’est la rentrée, on va faire une exception aujourd’hui le temps de tout expliquer aux nouveaux d’accord ? 😊). Je souris et mesure l’importance du cadre. La liberté oui, mais dans un cadre structurant.
Pour les nouveaux visages, c’est un peu moins fluide, mais tous, à une exception près, ont fait une période d’essai de 15 jours au mois de juin, ce qui facilite grandement cette rentrée. Nous nous connaissons déjà suffisamment pour que les plus jeunes acceptent de voir partir leur parent sans stress. Dans le cas contraire, comme cela a été le cas par le passé, le parent est invité à rester à l’école le temps nécessaire, la journée si besoin, et nous convenons ensemble d’une période d’adaptation à la carte, en fonction de la situation et de l’enfant. Il n’y a pas d’âge pour apprendre à bien se séparer, c’est très important et c’est également une occasion formidable pour gagner en confiance, en soi, en l’autre.
Une fois tous réunis dans la grande salle, les parents partis, je suis presque surprise du calme et de la maturité qui se dégage du groupe composé de 20 enfants et 6 adultes. Ou plutôt de 26 personnes, car une des nombreuses choses que j’ai apprises dans cette école, c’est à me détacher de cette distinction d’âge. Quand plus tard dans la journée j’attache une grande corde au pilier de la cour pour me placer à l’autre bout et la faire tourner afin que ceux qui le désirent apprennent à sauter à la corde (j’adore ça !!), je suis une petite fille de 10 ans max… et quand L., 6 ans, me dit que c’est dur par terre, que c’est peut-être mieux de sauter dans la pelouse…c’est lui l’adulte !
Mais la leçon la plus difficile à laquelle cette école me confronte est mon rapport douloureux avec la séparation. J’ai beau savoir que certains membres nous ont quitté, mes yeux ce matin-là les cherchent dans l’assemblée. Je suis triste de ne pas les voir, et ils vont me/nous manquer. Toutefois, je réalise que je fais des progrès dans ce domaine-là aussi. Je ne me sens pas seulement triste. Il y a aussi de l’acceptation. Accepter que faire un bout de chemin ensemble implique de savoir accueillir de nouveaux arrivants dans la famille (ça c’est plutôt facile !) mais également savoir dire au-revoir et bonne route à ceux qui partent, sans que cela soit associé à un échec ou une déchirure. J’apprends donc à accueillir ma tristesse, et je constate que je garde de nombreux et précieux souvenirs du bout de chemin que nous avons fait ensemble, quel qu’il soit et peu importe sa durée.
J’ai envie aujourd’hui, en ce jour de rentrée nationale, de remercier toutes les familles qui nous ont suivi, nous suivent, ou nous suivront un jour, pour leur présence, leur soutien et sans qui rien ne serait possible. Je sais qu’embarquer dans pareille aventure demande une bonne dose de courage et de confiance, en soi un peu, en son enfant beaucoup. Cette école alternative peut être un choix délibéré fait par conviction forte des bienfaits des apprentissages auto-dirigés, et dans ce cas notre chemin ensemble sera long. Et, je constate qu’elle peut aussi être vue comme une pause, un temps suspendu afin d’offrir à son enfant le luxe de prendre son temps, tout simplement. Lui permettre de reprendre son souffle, avant de repartir dans des études plus traditionnelles. Et là encore, aucun enfant n’a jusque-là « perdu de temps » en se voyant obligé de redoubler une classe… comme quoi, donner du temps au temps est au bout du compte gagnant !