L’apprentissage du piano À l’Ère Libre
Cela fait maintenant plus de trois ans que je travaille et vis À l’Ère Libre. Et en trois années, j’ai pu voir des enfants découvrir, se lancer puis pratiquer et même enseigner le piano, sans aucune intervention de la part des adultes de notre établissement. Aussi, j’ai voulu en apprendre plus sur cet apprentissage que j’ai pu observer de loin mais dont je connais finalement peu. Pour ce faire, je suis allée interviewer quelques-uns de nos membres joueurs de piano : L et T (9 ans), Z (13 ans), A (14 ans) et B notre volontaire en Service Civique (18 ans).
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’apprendre ?
Pour L, il n’est pas facile de répondre à la question. Peut-être est-ce le fait de voir sa maman en jouer chez lui. Z ne sait pas vraiment, elle non plus. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle aime la musique.
Pour T, la question est plus simple. « C’est de voir les autres jouer. Quand il y avait N encore à l’école et aussi A, ils jouaient souvent du piano et ça me donnait envie ».
A répond avec humour qu’elle a commencé à jouer par jalousie : « Ma sœur a reçu un piano pour son anniversaire, il y a 8-9 ans. Mais je n’aimais pas ce qu’elle jouait. Du coup, je me suis dit que j’allais jouer, moi. Na ! Et plus tard, j’ai récupéré son piano ! »
B, quant à lui, n’a pas vraiment eu le choix. « Je n’ai pas vraiment eu envie de jouer du piano. C’est mes parents qui voulaient. Du coup, au début
Comment avez-vous appris ou continuez-vous d’apprendre ?
J’ai ensuite questionné nos musiciens sur leur méthode d’apprentissage et le moins que l’on puisse dire, c’est que chacun a la sienne. L a commencé avec un livre d’exercices pour apprendre le piano. Puis, il a demandé à ses parents s’il pouvait avoir un professeur. « Je me suis dit que si j’avais un professeur, je pouvais apprendre encore plus de choses. » Je lui demande si cela a fonctionné et il me répond que « oui ». Il ajoute que T, à l’école, lui apprend aussi des mélodies de temps en temps.
T, lui, n’a pas la même opinion. « Je ne sais pas trop comment dire mais si quelqu’un vient pour m’apprendre à jouer du piano, là, je ne vais pas jouer de piano. Et s’il n’y a personne, là, je veux bien jouer du piano. » Il préfère apprendre seul, à son rythme, à l’aide de vidéos sur YouTube. « Je marque « piano » et le titre du morceau. Ça affiche un piano avec des traits qui tombent. Bleu pour une main, vert pour l’autre. Les traits tombent sur des notes et c’est sur ces touches que je dois appuyer. »
Z utilise elle aussi cette méthode et ne souhaite pas de professeur non plus. « Quand on est avec un professeur, ça nous met des limites. Il va nous demander de faire des choses qu’on n’a pas forcément de faire. Moi, je fais juste du piano pour m’amuser, parce que ça me plait, c’est pour moi. »
B se souvient avec tendresse de sa première professeure de piano. « J’ai eu des cours particuliers chez une vieille dame dont je me souviendrais longtemps parce qu’elle était trop gentille. Elle faisait très bien du piano. Et après, je suis allé dans un conservatoire académique. »
A, comme T, a appris en autodidacte. « Je prends des vidéos YouTube avec des notes qui défilent. B n’arrive pas à les lire d’ailleurs ! » B admet qu’il n’y arrive pas avec cette méthode et qu’il utilise des partitions. A explique « j’ai appris très récemment à lire une partition. Si c’est une partition simplifiée, je peux te dire à peu près les notes. Mais c’est impossible pour moi de lire une partition en jouant. Je suis obligée de m’arrêter et de retenir. » B dit que pour lui, c’est devenu naturel de lire une partition. A conclut : « Tu vois, pour toi, c’est naturel de jouer en lisant une partition. Moi, c’est naturel de jouer en voyant les notes qui défilent, sans mettre pause. »
Combien de morceaux connaissez-vous aujourd’hui ?
A s’exclame « c’est difficile de répondre parce que la question, c’est combien de morceaux on connait encore ou combien de morceaux on a appris ? Parce que je pense qu’il y a des morceaux que j’ai appris et dont je me souviens plus mais si je les revois, je me dirais : « ah oui, c’est vrai, ça se fait comme ça. » ».
B renchérit : « Je suis d’accord. Si on parle des morceaux qu’on a appris, moi, je ne pourrais pas compter. Il y en a beaucoup trop. Le truc, c’est que moi, j’apprends des morceaux un peu tout le temps mais c’est très dur de finir un morceau. » A est d’accord : « Oui, en fait, on apprend juste le début ou un passage qui nous plait. »
Z, elle aussi, a du mal à compter « Je ne sais pas, plein. J’ai mes favoris : Comptine d’un autre été et Angélique, marquise des anges. »
T en connais environ trois gros. « Sinon, j’en connais plein d’autres mais c’est de tout petits extraits. Mais, il y en a un des trois, c’est moi qui l’ai inventé. » Je lui demande comment il s’y est pris : « Une fois, j’en fait un peu n’importe quoi. Je ne regardais même pas le piano. J’ai trouvé que ça sonnait bien et j’ai répété. C’est toujours la même chose mais des fois, je transforme un peu. »
L compte sur ses doigts : « J’en connais neuf.»
Est-ce que vous apprenez le piano à d’autres membres de l’école ?
A ne se sent pas l’âme d’une enseignante. « Je ne suis pas trop patiente dans la vie. Même en sachant que moi, ça m’a pris du temps, j’ai du mal à voir les autres galérer sur les notes. Je ne suis pas très tolérante. Je ferais une très mauvaise prof. »
B répond : « Moi, je ne sais pas si je suis un bon professeur mais je trouve ça rigolo de voir par exemple M nous regarder et avoir trop envie. Et je lui ai dit : « Ben, mets-toi là, je vais essayer de t’apprendre. Je ne lui apprends pas à jouer un morceau, ça n’a aucun sens. Mais je peux dire « Cette note, elle va bien avec celle-là. Tu peux les jouer ensemble ou séparément ».
Z a la même petite admiratrice et lui enseigne également : « Je lui fais d’abord écouter comment je joue. Puis, je lui montre note par note. »
T, quant à lui, enseigne à L.
Quels conseils vous donneriez à quelqu’un qui veut apprendre le piano ?
Le conseil de L : « Pour bien jouer, il ne faut pas retourner sa main. Même si parfois, c’est difficile. »
Le conseil de A : « Moi, je dirais que tu n’as pas besoin de prendre de cours. Ce n’est pas parce que tu n’as pas appris au conservatoire que tu n’es pas un vrai joueur de piano. »
Le conseil de B : « Si tu as un piano, c’est bon. Tu n’as pas besoin de payer plus cher qu’un piano qui coûte déjà cher. Mais c’est dur. Le piano, c’est un instrument super dur à maitriser. Il faut bien maitriser ses deux mains. »
Le conseil de Z : « Fonce ! Si ça te plait, fais-le. Et puis, il y a plein de manière d’apprendre, que ce soit en autodidacte ou avec un professeur. »