De la gouvernance partagée À l’Ère Libre, établissement démocratique #1
De la genèse du projet À l’Ère Libre à sa concrétisation, il était évident et primordial pour les fondatrices de changer de paradigme quant à la gouvernance de l’établissement. Dans leur esprit, les membres-jeunes participeraient aux décisions et leur avis serait pris en considération. Certes, mais de quelle façon? À quel concept théorique donné vie pour créer un lieu dynamique où les enfants et les jeunes prennent conscience de et assument pleinement leur souveraineté?
Le type de gouvernance choisi et mis en place au sein de l’établissement scolaire À l’Ère Libre est celui de la gouvernance partagée. Cette dernière repose sur la volonté de privilégier les relations de coopération au sein de l’organisation et le souhait de développer l’autonomie des membres. Ainsi, décider collectivement (grâce au consentement, à la majorité ou à l’unanimité selon les cas) les règles de gestion et d’utilisation de l’établissement est un des éléments clé de notre structure pour favoriser et accompagner à l’autonomie des membres-jeunes. Par conséquent et en toute logique, cette gouvernance concerne aussi bien les membres de l’équipe pédagogique que les membres-jeunes (de 6 à 15 ans).
Pour comprendre notre fonctionnement et l’intérêt d’une structure scolaire comme la nôtre, il me semblait utile d’écrire plusieurs courts articles qui présenteraient au lecteur et à la lectrice :
- nos sources d’inspiration pour la Gouvernance Partagée : l’Holacratie et la Sociocratie,
- l’organisation de cette gouvernance au sein de notre établissement,
- les outils d’intelligence collective que nous utilisons, leur appropriation par les membres-jeunes et les espaces de pratique,
- la corrélation des apprentissages de la gouvernance partagée aux apprentissages scolaires.
Qu’est-ce que l’Holacratie ?
- L’holacratie provient des mots grecs « holos » désignant « une entité qui est à la fois un tout et une partie d’un tout » et de « kratos » signifiant « pouvoir ». Il s’agit donc de donner le pouvoir de gouvernance à l’organisation elle-même plutôt qu’aux egos de ses membres.
- Il s’agit d’un management horizontal où chaque partie de la structure est autonome et décisionnaire. La structure n’est plus pyramidale mais organisée en cercles.
- Les missions sont reliées à des rôles et non à des personnes. Une personne est, par conséquent, responsable de la mission qui lui a été confiée au sein du cercle en assumant un rôle.
- Si la mission disparaît, le rôle disparaît.
- Une nouvelle mission nécessaire à la vie de la structure apparaît : un rôle est créé pour mener à bien cette mission.
- Un rôle est indépendant et autonome dans les prises de décisions pour mener à bien sa mission. Il n’a plus à en référer à un supérieur, mais n’a pas non plus d’expert référent vers qui se tourner.
- La sollicitation d’avis (auprès d’autres rôles) permet de confronter ses idées et ses prises de décisions.
- 3 types de réunions (triage, gouvernance ou stratégique) permettent des résoudre les problèmes, d’évacuer les tensions et d’étayer des solutions en étant concentré uniquement sur un aspect de la structure, via le rôle incarné par la personne lors de la réunion.
« Le mot « sociocratie » a été inventé par Auguste Comte, philosophe français du début du XIXe siècle que l’on considère comme le père de la sociologie. Ce terme signifie littéralement le gouvernement des associés, c’est-à-dire d’un ensemble de personnes qui partagent une vision, une mission, des règles de fonctionnement et des objectifs qu’ils souhaitent réaliser ensemble.
Kees Boeke (1884 – 1966), psychosociologue et pédagogue hollandais reprit le terme « sociocratie » pour décrire un mode d’organisation avec trois règles qu’il expérimenta au sein de la Werkplaats Community School en Hollande :
- les intérêts de tous les membres sont pris en considération, chacun acceptant de se soumettre aux intérêts de la communauté ;
- une solution n’est adoptée que si elle est acceptée par ceux qui vont la mettre en œuvre ;
- tous les membres sont prêts à agir conformément aux décisions prises unanimement.
Les quatre règles de base de la sociocratie
1- Le cercle
La structure de prise de décision est constituée de cercles semi-autonomes inter-reliés. Chaque cercle est formé par un groupe de personnes qui partagent une mission commune. Par exemple un conseil d’administration, une équipe de direction, un service…. Chaque cercle poursuit un but clairement identifié, articulé avec le but des cercles auxquels il est relié, et il organise son fonctionnement comme sous-système de l’organisation. Il est responsable de l’ingénierie de ses processus de travail, qu’il doit définir en termes d’objectifs, d’activités et de mesure des résultats. Un cercle établit ses propres politiques sur la base du consentement de ses membres. Il élabore son propre système d’information et d’éducation permanente par la recherche expérimentale, l’enseignement formel et l’apprentissage sur le tas.
2- Le consentement
Le mode de prise de décisions d’une organisation sociocratique est le consentement. Le consentement signifie : il n’existe plus d’objection motivée. Dans un cercle sociocratique, aucune décision d’orientation ne sera prise si un des membres y oppose une objection raisonnable et argumentée. Cette règle favorise l’impossibilité pour quiconque dans le cercle de devoir abandonner sa liberté et sa responsabilité entre les mains d’un autre. Elle permet aussi, dans le dialogue et la confrontation si besoin, d’apprendre à relativiser ses préférences et à découvrir la puissance de l’intelligence collective. Elle invite enfin à redéfinir ce qu’est une bonne décision : une décision est bonne si elle permet d’avancer dans la réalisation des objectifs communs et si elle reçoit le consentement de ceux qui vont avoir à « vivre avec ».
3- Le double lien
Un cercle est relié au cercle qui lui est immédiatement supérieur par un double lien. Cela signifie qu’au moins deux personnes, le responsable de l’unité de travail et un membre de son équipe choisi par l’équipe, sont membres du cercle immédiatement supérieur.
4- L’élection sociocratique ou l’élection sans candidat
Le choix et l’affectation des personnes dans une fonction ou la délégation d’une tâche se fait dans le cercle concerné. Après avoir défini ensemble les qualités requises pour le poste, chaque membre du cercle désigne qui lui paraît à même de remplir la mission et argumente son choix. Après une discussion ouverte dans le cercle, la décision est prise par tous sur la base du consentement. »