Today is English Day
Convaincue que le meilleur moyen d’apprendre une langue étrangère est l’immersion, j’ai proposé à l’ensemble des membres de l’école que je parle en anglais tous les lundis. Et j’ai envie, aujourd’hui, de vous partager mon expérience, de vous raconter toutes les étapes par lesquelles je suis passée.
Des débuts compliqués…
Au tout début, ce n’est pas évident. Je n’ai pas véritablement parlé anglais depuis la fin de ma licence en Langue, Littérature et Civilisation Etrangère en 2015. Je cherche mes mots, je me torture le cerveau. Je me retiens de parler français, cette langue qui veut sortir de ma bouche malgré moi.
Mais le plus difficile, ce n’est pas de parler anglais. Non, non. Le plus difficile, c’est de voir les membres-jeunes se mettre soudainement à me fuir. Hier, nous jouions et discutions gaiement. Aujourd’hui, ils me regardent avec un air gêné et partent à l’autre bout de la pièce. Ok. Bon. Si je parle anglais, je ne peux plus parler du tout en fait.
Tous les lundis matin, lors de notre Point Journalier, quand vient mon tour de m’exprimer, je commence par dire : « Hey ! Today is Monday. Today is English Day ! » (Aujourd’hui, nous sommes lundi. Aujourd’hui, nous sommes le jour de l’anglais.) Et j’entends partout autour de moi des « Oh non ! » théâtraux.
Visiblement, ils ont beau être habitués aux ateliers en anglais, avoir quelqu’un qui leur parle en anglais au quotidien est une autre paire de manches.
Le français qui coule de source
Dans les premiers temps, je fais des exceptions. Lorsque je trouve que, quand même, ce que je veux dire, j’aimerais bien que ce soit compris, je le dis en français. Et puis, au fur et à mesure de la journée, exception après exception, je ne parle plus anglais du tout. Quand tout à coup, au beau milieu de l’après-midi, un enfant me demande : « Tu n’étais pas censée parler en anglais aujourd’hui ? » Ah ben si. Oups… Je me remets aussitôt à parler anglais et je me dis qu’au fond, si les enfants me reprennent lorsque je parle français, c’est peut-être qu’au fond, ils aiment bien quand je leur parle en anglais.
Des soutiens autour de moi
Heureusement pour moi, je ne suis pas seule. Les adultes m’accompagnent, bien évidemment. Certains tentent même parfois de me répondre en anglais.
Et puis, il y a A., ce membre de 15 ans qui adore parler anglais et qui s’en sort plutôt bien ! Nous jouons tous les deux en anglais, à de multiples jeux de société et c’est fort agréable !
Et pour finir, nos deux dernières recrues, S. et A., deux petits anglophones de 5 et 6 ans. Avoir de véritables anglophones auprès de moi, c’est quand même bien pratique ! Enfin des enfants qui ne me fuient pas quand je leur parle en anglais ! Ils me répondent, dans leur anglais impeccable, avec leur petit accent que j’ai parfois du mal à comprendre et me corrigent gentiment lorsque je me trompe. C’est tellement agréable !
Je commence à me faire comprendre
Mais alors, comment je me fais comprendre ? Eh bien, figurez-vous que les intonations, appuyées parfois pas des gestes, sont assez universelles. Les premières fois, j’étais assez surprise. J’avais posé une question en anglais et obtenu une réponse, certes en français, mais qui répondait à ma question. Et ça, c’était assez incroyable. Les enfants commençaient à déduire du contexte, de mon intonation et des quelques mots qu’ils connaissaient le sens de mes phrases. Bien sûr, il y avait quelques petits « à côté » mais je sentais que j’étais bien mieux comprise qu’à mes débuts.
Can someone translate ?
Et pendant les Assemblée Des Membres ? Parce que oui, même pendant les ADM, je m’exprime en anglais. Et, il est important que le groupe entier puisse me comprendre. Alors, une fois que je me suis exprimée, je regarde la petite assemblée en demandant : « Can someone translate ? » (quelqu’un peut-il traduire ?)
Au début, c’était les membres adultes qui s’en chargeaient. Mais aujourd’hui, certains membres-jeunes, les plus âgés, acceptent le défi. Et dans l’ensemble, ils me comprennent sacrément bien et cela me fait plaisir. Lorsque j’entends de petites inexactitudes, je les corrige en anglais, accompagnant ce que je dis de quelques gestes et mes traducteurs personnels parviennent presque toujours à rectifier le tir
Et les plus jeunes ?
Les plus jeunes sont nettement moins timides qu’au départ. Ils ne me fuient plus. Je les vois essayer quelques secondes de me décrypter avant de me demander : « Qu’est-ce que tu as dit ? ». Parfois, ils me font des propositions : « Tu voudrais que j’aille chercher mon classeur ? ». Je leur réponds avec des « yes » ou des « no » et ils me disent : « Yes et no, je comprends bien. Je sais ce que ça veut dire quand même. »
Et puis, parfois, ils viennent vers moi et me disent : « Moi, je connais six mots en anglais ! » Et ils les énumèrent avec fierté. Et parfois, tandis qu’ils listent leurs mots en anglais, ils se rendent compte qu’ils en avaient oubliés et ils allongent leur liste.
Improvisation de petits jeux
Je n’ai jamais trouvé de meilleurs moments pour parler anglais que les temps des repas. Chaque midi, j’attends avec impatience qu’on me demande ce que je mange pour nommer tous les ingrédients de mon assiette en anglais. Je leur nomme tout, même le sel et le poivre ! J’essaie aussi de nommer ce qu’ils mangent, discrètement, au passage.
Et parfois, le temps d’un repas, de petits jeux s’improvisent. Un enfant commence par me citer le nom des animaux qu’il connait et j’en profite pour lui demander : « And the elephant ? Do you know what is an elephant ? » Ah ben oui, c’est un éléphant. Facile. « And the lion ? The girafe ? » Ah ben oui, la liste s’allonge. Ensuite, viennent les fameux « bat » et « spider » rendus célèbres grâce à Batman et à Spiderman. Et lorsque je termine cette liste, on passe aux devinettes avec des animaux plus difficiles tels que le « racoon », le « wolf » ou la « ladybug »…
Et la répétition, clef de l’apprentissage
Et puis, il y a ces phrases que je répète souvent et qui commencent, mine de rien, à être bien retenues. « Remember to wash your hands, please ? » (N’oubliez pas de vous laver les mains, s’il vous plait ?) qui a toute son importance compte tenu de la situation sanitaire. « How are you ? » (Comment ça va ?) qui salue chaque enfant à son arrivée. « We’re going to write your schedule, now. » (Nous allons écrire ton emploi du temps maintenant.), ce passage obligé du lundi matin. Et dernièrement, il y a eu ce magnifique « Can you help me ? » (Peux-tu m’aider ?) que T. a compris sur le champ, se souvenant du livre de Big Pumpkin que je leur avais lu.
Parler anglais… le mardi ?
Désormais, parler anglais le lundi est devenu un plaisir pour moi. Si bien que, sans même m’en rendre compte, de l’anglais s’échappe de ma bouche le mardi. Oups. J’ai hâte de passer aux prochaines étapes, d’entendre des petits mots en anglais comme réponse, de ne plus avoir besoin de traducteurs personnels et qui sait ? Un jour, peut-être disserterons-nous en anglais ?