Le jeu
Le jeu est partout, depuis tout temps.
Jouer est une pratique instinctive chez la plupart des mammifères. Qui n’a jamais observé un chaton dévider une pelote de laine ou de jeunes chiots se poursuivre, lutter, cabrioler ? Les parents de jeunes enfants ne sont-ils pas eux aussi témoins de leurs jeux d’exploration, de manipulation, de construction, d’imitation, de motricité et de créativité ?
Pourquoi jouons-nous ? Est-ce par simple plaisir d’une activité sans « utilité » puisque non orientée vers l’accomplissement d’un objectif « sérieux » ? Est-ce par instinct de survie future ? S’agit-il de créer une cohésion de groupe ?
Il est aujourd’hui avéré que le jeu a de nombreuses fonctions, chez les humains et autres mammifères. Par sa nature même, le jeu développe :
– la coopération,
– les relations complémentaires,
– la prise de décision,
– l’autonomie personnelle,
– l’intelligence émotionnelle.
« D’un point de vue biologique, le jeu est le moyen par lequel la nature s’assure que les jeunes mammifères, dont les petits d’homme, acquièrent les compétences dont ils ont besoin pour devenir des adultes. » – Dr Peter Gray
Le jeu prend une dimension considérable dans les apprentissages en tant qu’« entraînement auto-motivé aux compétences nécessaires à la vie », et plus globalement dans l’évolution de l’humanité.
A ce titre, nous ne pouvons que nous interroger sur les pratiques éducatives de l’institution scolaire dite traditionnelle, reléguant le jeu à une activité secondaire, dont les bénéfices seraient négligeables.
Les récentes recherches, réhabilitant l’importance du jeu dans la construction physique et psychologique de l’enfant, tentent de le réintroduire en promouvant ses vertus éducatives auprès des familles et des professionnels de l’éducation. Ainsi, de plus en plus de « jeux éducatifs » trouvent leur place sur les étagères des écoles et des chambres d’enfants. En encourageant ces jeux, l’objectif, la motivation première des adultes est l’acquisition de connaissances par les enfants… avant même le plaisir, la créativité, la relation à l’autre et le libre choix. Ces interférences dans le jeu contrarient les mécanismes naturels de l’apprentissage humain.
Ces jeux dits éducatifs sont très éloignés du jeu libre, dirigé en toute autonomie par les enfants eux-mêmes. L’important, dans cette pratique, n’est ni le résultat final, ni la réussite, mais le cheminement créatif et la mise en œuvre du jeu en question. Il s’agit d’un processus naturel qui n’a pas besoin d’être pensé, dirigé ou initié par l’adulte. A travers le jeu libre, l’enfant se connecte à ses besoins, à ce qui est vivant pour lui. Il apprend à se connaître et par extension, à mieux comprendre les autres, à se situer dans un groupe.
Pourquoi l’adulte, par son intention éducative, perturbe-t-il le processus naturel d’apprentissage de l’enfant ?
Est-ce le besoin d’un contrôle intellectuel qui impose une hiérarchie et une temporalité des savoirs ? Ou bien sont-ce les conséquences de l’âgisme, à travers le maintien d’une dépendance de l’enfant au savoir adulte ? S’agit-il d’une course à la performance, induite par l’organisation de notre société ? Sont-ce les inquiétudes et attentes parentales et/ou institutionnelles concernant les aptitudes des enfants à s’insérer dans leur future vie active ?
Ces questions sont autant d’invitations à questionner la posture éducative de chacun, chacune…
Et si le point de départ de cette réflexion s’appuyait sur notre confiance en la nature de l’enfant pour savoir ce qui est bon pour lui et pour son développement harmonieux ?